VISIBLE SONGS

Le travail autour de chansons « visibles », car parlant de la peinture, me semble être tout à fait original et significatif d’une époque qui tente d’abolir les frontières entre les expressions artistiques et humaines trop souvent formatées et cloisonnées. Les textes de ces chansons autour de Pollock et Rothko ne chercheraient pas à analyser, ni à décrire les peintures choisies, issues du MOMA de NEW-YORK, mais plutôt à suggérer une approche poétique et visuelle traduisant une émotion globale, directe et poétique afin de s’adresser à tout un chacun. L’écriture musicale procéderait de la même manière en transposant les éléments essentiels d’une perception visuelle vers une partition sonore utilisant les codes de la chanson en évitant les sentiers battus. En rapport avec la langue des textes, selon les origines, la musique pourrait se baser sur des échelles de sons issus des cultures de chacun des peintres approchés. L’ensemble serait diffusé par un groupe de musiciens incluant deux chanteuses dont l’une est pianiste, une batterie émancipée ou préparée (incluant des éléments de percussions de différents pays par exemple) , un instrument à cordes comme le violon ou le violoncelle et un compositeur. La musique passerait outre les genres musicaux pour mieux ouvrir sur la dimension picturale, croisant les harmonies du jazz parfois, l’écriture minimale et répétitive, la dimension silencieuse d’un John Cage, les résonances méditatives et la forme classique. Des chansons interrogeant la chanson tout en véhiculant d’autres arts… Jackson Pollock, par exemple, a réussi, sans se servir de la perspective classique, à utiliser la surface de la toile à deux dimensions pour créer une profondeur quasi cosmique (une troisième dimension infinie) avec des lignes coulées ou jetées de peinture sortant et rentrant dans le cadre du tableau sans intention apparente sinon que de traduire un aspect pulsionnel, presque spirituel (chamanique) et de laisser l’énergie de l’expressionisme abstrait traverser nos corps. La musique sur la pièce 31 de Pollock, se développerait tout en arpèges polyrythmiques et en lignes mélodiques errantes, évolutives, pouvant se perdre dans le temps. Une manière de remplir le temps avec les voix et les instruments sans discontinuer mais en faisant respirer les lignes en permanence. Marc Rothko prend une dimension tout à fait méditative dans sa peinture en travaillant sur des intensités lumineuses ou sombres de formes non cernées flottantes dans l’espace de la toile. Une sorte de surgissement minimal de la couleur appelant un regard à la fois intense et apaisé, presque religieux, cherchant à représenter l’irreprésentable comme le « verbe » prouve l’existence de Dieu. La musique sur la toile de Rothko, lointainement inspirée de la très belle pièce que Morton Feldman a écrite pour la « Chapelle Rothko », se baserait sur des accords recherchés, résonants, jouant avec le silence et l’espace de manière minimale, harmonies prolongées par instants forçant le recueillement et l’écoute.